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Dans le cadre de la XXe session du Conseil de droits de l’homme à Genève, le droit à l’éducation a été l’un des thèmes examinés parmi les droits économiques, sociaux, politiques et culturels en débat. Le Rapporteur spécial, M. Kishore Singh, a présenté un rapport sur « la qualité de l’éducation » en tant que composante du droit à l’éducation. Son approche se fonde essentiellement sur les principes énoncés par le Plan d’Action de Dakar (2000) et la stratégie « l’Education Pour Tous ». Ce rapport constitue également une synthèse des progrès enregistrés, des bonnes pratiques et de recommandations pour promouvoir la qualité de l’éducation. Dans ce contexte, la Plateforme des ONG sur le droit à l’éducation, a organisé une table ronde sur les multiples défis que suppose la « qualité » de l’éducation. La diversité des profils des intervenants indique, à première lecture, la diversité de l’approche recherchée par les organisateurs :

– M. Kishore Singh, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’éducation
– Mme Claire de Lavernette, Représentante de l’OIDEL auprès de l’ONU
– M. Jorge Dias Ferreira, Psychologue scolaire, Représentant de New Humanity auprès de l’ONU
– Mme Elena Ippoliti, responsable de l’Unité méthodologie, éducation et formation du Haut Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU
– M. Emmanuel Kabengele Mpinga, Professeur, Faculté de médecine de l’Université de Genève
– Mme Ana Brito, Modératrice de la table ronde, Diplomate de la Mission permanente du Portugal auprès de l’ONU

 

Kishore Singh, a mis ici l’accent sur les personnes vulnérables, mais aussi sur la négligence de certaines matières telles que les mathématiques et les matières scientifiques surtout dans les pays en développement. Toutefois, il a surtout insisté sur la qualité de la formation des enseignants. En ce sens, il suggère de veiller à une sorte d’harmonisation des curricula quant à la qualification des enseignants. Ses différentes démarches et ses rencontres lui ont également permis de juger de l’enthousiasme de toutes les parties prenantes à l’éducation envers cette approche de la qualité de l’éducation. Il invite à procéder à des révisions régionales pour une meilleure mise en oeuvre des critères de la qualité et également pour l’évaluation des besoins. Il a tenu à souligner deux aspects : la liberté académique et l’octroi de plus de forces aux normes aussi bien dans les secteurs publics que dans les secteurs privés de l’enseignement. Il prône une conception globale des droits pour un accès universel et de qualité, notamment au profit de groupes marginalisés, socialement comme ethniquement comme les « rom » ou encore pour les enfants plus vulnérables dont ceux marqués par des handicaps.


Claire de Lavernette
a rappelé la clé de voûte que représente la centralité de la personne. La mise en oeuvre effective d’une éducation de qualité ne peut se réaliser que par un dépassement des conceptions actuelles de l’éducation. Elle implique, par conséquent une vision plus large, « afin d’aller au-delà des moyens présentement mis en oeuvre, des structures institutionnelles, des programmes d’enseignement et des systèmes classiques de formation, tout en s’appuyant sur ce qu’il y a de meilleur dans la pratique actuelle. » comme l’affirme la Déclaration de Dakar.
Le primat reconnu à la personne humaine implique qu’une éducation de qualité soit construite sur le respect des différences, sur la liberté personnelle et repose, par conséquent, sur un véritable pluralisme d’offres éducatives, pluralisme traduisant la diversité des personnes, des aspirations et des projets. Trois dimensions de « qualité » sont à retenir : (i) la garantie d’une éducation minimale sans la quelle aucune liberté ne peut être mise en jeu par le sujet ; (ii) un libre accès aux systèmes de formation et ce sans discrimination y compris envers les projets, les talents, les opinions philosophiques ou religieuses, personnelles ou familiales ; (iii) une éducation différenciée inclusive des différences culturelles et sociales.


Jorge M. Dias Ferreira a donné un regard du monde de l’éducation du point de vue des difficultés que rencontrent nombre de sujets, élèves comme enseignants. Il a axé son intervention sur les « outils » qui tiennent compte de l’environnement des élèves et en particulier de l’histoire familiale afin d’envisager une éducation plus inclusive. Un exemple donne l’idée de ses propos : dans une famille en situation d’immigration, avec tout ce que cela suppose de difficultés, l’enfant se retrouve également en situation de difficulté voir d’exclusion et d’échec dans le milieu scolaire. Il n’y a pas que le poids des contraintes économiques ou sociales à dénoncer mais il faut également mettre en garde contre la « chosification » de l’élève qui risque d’être regardé par le système scolaire davantage comme une chose qu’une personne, soumis aux pressions d’obtention de résultats et à la comptabilisation du succès. Le centre et la finalité de toute démarche, de toute stratégie et système éducatif est et doit demeurer la personne de l’enfant, la personne de tout élève, étudiant ou adulte en formation.


Elena Ippoliti, représentant les programmes d’éducation aux droits de l’homme du Haut Commissariat aux droits de l’homme a montré comment la qualité de l’éducation passe
également par une éducation aux droits de l’homme à tous les niveaux d’enseignement et  même au plus jeune âge dans les systèmes éducatifs du primaire et du secondaire. Elle a rappelé que l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2010 (A/65/322) a demandé une évaluation du plan d’action 2005/2009 pour l’éducation aux droits de l’homme en retenant l’interaction de 5 composantes. En fin de compte la question de la qualité de toute éducation, a-t-elle souligné, est une question de connaissance, de compétence et d’attitude.


Emmanuel Kabengele Mpinga est sans doute l’expérience la plus inattendue dans ce débat puisqu’il enseigne les droits de l’homme dans le cadre de la faculté de médecine. Il a indiqué comment la pratique des droits est intégrée de manière implicite et explicite dans tous les processus de décision de la faculté depuis l’élaboration des programmes à la participation étudiante. L’inclusion des droits s’effectue en grande partie au niveau de la gouvernance de la faculté mais aussi en matière de contrôle de la qualité et de l’environnement de l’enseignement. La qualité est appréciée aussi bien pour les infrastructures que pour le contenu de l’enseignement, la faculté de Genève étant quottée au niveau européen. Enfin mais pas des moindre, la qualité de l’éducation se vérifie par l’appréhension de la santé vis-à-vis du développement humain.